dimanche 22 avril 2012

La CITI, la verrue du capitalisme


La City… Cet Etat dans l’Etat, où l’argent a toujours prospéré, a donné au Royaume-Uni les moyens de financer son expansion coloniale, ses guerres contre Napoléon, sa révolution industrielle. 

En retour, ce statut de grand argentier du royaume a permis à la place financière d’asseoir son pouvoir et de s’imposer comme l'un des piliers majeurs de l’establishment britannique. 

Aujourd’hui, le vénérable Square Mile n’a rien perdu de son influence. Le lord-maire de la City siège de droit au Parlement britannique et se charge de rappeler à ses interlocuteurs où réside le vrai pouvoir. La place londonienne est devenue le premier centre financier de la planète. Plus de la moitié des fonds internationaux y transitent et près de 80 % des actifs des hedge funds européens y sont brassés. 

Ce leadership, la City le tient de son savoir-faire… et de sa réputation. Les détenteurs de capitaux savent qu’ici ils trouveront les meilleures garanties pour optimiser la gestion de leurs dépôts. 

Avec la bénédiction de Westminster, la place financière a essaimé ses ramifications à travers le monde en créant des satellites offshore qui pratiquent souverainement le secret bancaire et la soustraction d’impôts.

Un film de

Mathieu Verboud




Flux opaques

Gibraltar, les îles Vierges, les îles Caïmans, les Bermudes, les îles Anglo-Normandes… près de la moitié des paradis fiscaux du monde battent pavillon britannique.

A Londres, un bataillon de banquiers, fiscalistes, juristes s’affairent pour construire des montages via ces territoires plus avantageux fiscalement et moins contraignants juridiquement. Le système fait basculer en toute légalité le profit, du pays où il a été créé vers ces juridictions où il échappe à l’impôt. Par nature opaques, les flux qui transitent par les paradis fiscaux suivent des circuits extraordinairement complexes qui, au terme d’une valse de transferts bancaires, sauront déjouer toute traçabilité.

Des volumes financiers considérables disparaissent ainsi des radars, principalement au profit des banques, des entreprises et des élites les plus puissantes. On évoque le chiffre de 20 000 milliards de dollars !

Mais les délinquants en col blanc ne sont pas les uniques bénéficiaires du phénomène offshore. Dans ce système aux rouages bien huilés - qui concentre tout de même la moitié du stock mondial d’argent -, les milieux mafieux du monde entier sont aussi conviés au banquet.

Avec la "cécité complaisante" de la place financière, ils recyclent indifféremment l’argent du crime et de la drogue, du terrorisme international et de la corruption…

Autant de flux clandestins dont il sera, là encore, difficile de découvrir l’existence… Sauf accident. John Christensen, directeur du Tax Justice Network (réseau pour la justice fiscale basé à Londres), résume à sa manière la situation : "Si vous voulez cacher une aiguille, vous la mettez dans une botte de foin… Pour les circuits de blanchiment qui veulent recycler l’argent sale, la City est la botte de foin idéale."

Au bout du cycle, l’argent réapparaîtra au grand jour, puis sera réinjecté dans l’économie légale, via les patrimoines fonciers, immobiliers et financiers. Lavé de tout soupçon.


Jean-François Parouty

vendredi 20 avril 2012

mardi 10 avril 2012

Il est temps de se reveiller ^__^



Joyeuses pâques ... pas pour tout le monde.

200.000 enfants, dont la plupart de moins de 15 ans, travaillent à la récolte du cacao vendu massivement en Europe. 10% d'entre eux sont même victimes d'esclavage. Mais pas d'inquiétude, ils seront bientôt adultes, et leur situation deviendra acceptable...

Les droits de l'homme sont réservés aux consommateurs détenteurs du pouvoir d'achat. Gardez le à l'esprit, quand vous serez dans votre hypermarché.

Reportage : http://www.youtube.com/watch?v=RncBhAqcrBA&feature=related




vendredi 6 avril 2012

POUR UNE PREVENTION EFFICACE DE LA VIOLENCE

Quelques pistes nouvelles pour une prévention vraiment efficace de la violence


Une conférence d'Igor REITZMAN à l'I.U.T.A. de Laon le 13 avril 20071


SOMMAIRE
Introduction.............................................................................................................................2
I- QUELQUES OBSERVATIONS GENERALES................................................................................ 3
1-C'est aux êtres humains que doit revenir le droit de choisir d'avoir ou non des enfants....... 3
2- Il faut prendre en compte dans la formation des personnes, la dimension relationnelle...... 3
3- L'éducation commence à la naissance ................................................................................ 4
4- Plus on attend pour intervenir, plus l'intervention est coûteuse et inefficace. ..................... 4
5- Les processus d'identification, essentiels dans la construction de chaque personnalité, peuvent aussi  réparer.......................................................................................................................... 5
6- Au collège, c'est le groupe qui devient objet d'identification. ............................................. 5
7- Il faudrait s'interroger sur les finalités de l'éducation ......................................................... 5
8- Une formation morale est nécessaire.................................................................................. 8
9- Le premier objectif de l'école doit être la réussite de tous plutôt que la sélection des meilleurs. 9
10- Qui doit s'occuper de l'éducation ? ................................................................................... 9
11- Les besoins psychologiques fondamentaux doivent être pris en compte pour chaque enfant... 9
II- LA MAISON D'ENFANCE ..................................................................................................... 11
Un type nouveau d'établissement éducatif ............................................................................. 11
Les fonctions de la maison d'enfance..................................................................................... 12
L'accueil des très jeunes enfants ........................................................................................... 12
Les activités de formation dans la Maison d'enfance............................................................... 13
A- Les ateliers obligatoires .................................................................................................... 13
C- Les ateliers à choix libre ................................................................................................... 14
D- Le groupe de base : un lieu d'écoute de la parole de l'enfant ............................................ 16
La formation du personnel travaillant en M.E.......................................................................... 17
1. l'accueil positif inconditionnel de l'enfant........................................................................... 17
2. L'empathie : ...................................................................................................................... 17
3. La non-défensivité : .......................................................................................................... 18
4. L'authenticité..................................................................................................................... 18
5. La congruence.................................................................................................................... 18
BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................... 19
1 Texte revu et enrichi avant mise en ligne...............................................................................2

Introduction
Je souhaite commencer cette conférence en exprimant ma gratitude aux penseurs,
aux chercheurs, aux praticiens qui dans les siècles passés se sont intéressés à l'enfant
et à son épanouissement. Je citerai pêle-mêle Montaigne, Rousseau, Pestalozzi, Maria
Montessori, Célestin Freinet, Françoise Dolto, Alice Miller et bien entendu Neil
fondateur de l'école de Summerhill dont mon projet s'inspire assez largement…
Les pathologies qu'il s'agit de prévenir sont importantes et multiples : Derrière ce
terme global de Violence, je propose que nous mettions les maltraitances qui frappent
des personnes vulnérables (enfants, vieillards, infirmes et malades), mais aussi la
pédophilie, la misogynie meurtrière, le viol, le racisme, l'antisémitisme, les
xénophobies, les fanatismes religieux, le vandalisme, l'alcoolisme et les autres
toxicomanies, la violence routière, etc. J'y ajouterai tout ce qui relève de l'autoviolance
: cauchemars, dépressions, paranoïa, anorexie, boulimie, angoisses, etc Je
laisserai de côté pour aujourd'hui ce qui renvoie à la délinquance économique et à la
violance économique (fermeture d'usines pour accroître les profits)….
On oppose classiquement prévention et répression. Et dans la langue de bois la plus
convenue, il est entendu que ces pratiques sont complémentaires, que les deux sont
nécessaires, etc.
En réalité, on peut comprendre que ces démarches étant coûteuses l'une et l'autre, les
sommes attribuées à l'une ne pourront être données à l'autre. A budget égal, quand le
gouvernement décide la construction de prisons nouvelles, il ne peut en même temps
augmenter le nombre d'éducateurs… Victor Hugo disait déjà : Ouvrir une école, c'est
fermer une prison. De nos jours, on construit des prisons nouvelles et on ferme des
écoles.
La préférence accordée à la prévention ou à la répression renvoie à des options
théoriques essentielles :
Si je suis convaincu que la violence est avant tout génétique, que certains sont
pédophiles ou massacrants de naissance, "parce qu'ils ont ça dans le sang", comme on
disait autrefois, les solutions seront cherchées du côté du repérage des mauvais gênes
et de la stérilisation de leurs porteurs. Si on les trouve un jour, il pourrait y avoir un
retour de l'eugénisme d'Etat qui fut pratiqué dans les années 30 et pas seulement dans
l'Allemagne nazie. Quant à ceux qui ont commis des crimes ou des délits, puisque
c'est génétique, ils sont irrécupérables. La seule solution, c'est de les retrancher de la
société et de les maintenir le plus longtemps possible en prison pour les empêcher de
nuire. Le plus sûr, c'est la perpétuité car on sait que la prison est un pourrissoir pour
de nombreux détenus. Comme les cellules sont déjà surpeuplées, avec en France
60 000 détenus pour 48 000 places, chacun peut comprendre que continuer à remplir
sans vider au même rythme pose problème. Dans une telle perspective, le ministre de
l'Intérieur devient le personnage essentiel du jeu. Les ministres de la justice et de
l'Education Nationale deviennent des auxiliaires…
Si je suis convaincu que personne ne naît violent ou pédophile, si je pense que ce
qui est subi par l'enfant (et pas seulement avec les parents) est essentiel dans la
construction de la personnalité, je vais m'interroger sur tout ce qui doit changer dans
l'environnement des jeunes enfants, des préadolescents et des adolescents. Si j'en ai
3
les moyens, ce que je mettrai en place, à partir de cette réflexion, relèvera de la
prévention.
On distingue souvent la prévention primaire (avant le premier délit) et la prévention
secondaire (pour empêcher le second). Je préfère parler de la prévention superficielle
(trop peu, trop tard) opposée à la prévention réelle (tout ce qui est nécessaire, le plus
tôt possible, avant même la naissance). L'objectif non dit de la prévention
superficielle, c'est de faire apparaître de façon éclatante, que la prévention ne sert à
rien, puisque la délinquance ne cesse d'augmenter. On démontrera ainsi qu'il est plus
réaliste d'investir dans l'accroissement des effectifs de police, dans l'alourdissement
des condamnations et dans la construction de nouvelles prisons.


Mon exposé comportera 2 parties :
I- Quelques observations générales
II- Une utopie : la maison d'enfance


I- QUELQUES OBSERVATIONS GENERALES
1-C'est aux êtres humains que doit revenir
le droit de choisir d'avoir ou non des enfants
Des enfants non désirés risquent – plus que les autres – de recevoir non de l'amour,
mais de la haine, claire ou inconsciente et camouflée.
Réduire la proportion d'enfants maltraités parce que non désirés implique que chaque
femme puisse vraiment choisir, que la contraception soit connue dès l'adolescence et
facilitée pour l'ensemble de la population. Et que l'avortement soit possible et non
culpabilisé quand la contraception a échoué.
2- Il faut prendre en compte dans la formation
des personnes, la dimension relationnelle
Il existe des professions essentiellement ou profondément relationnelles :
Infirmière, psychothérapeute, médecin, moniteur de centre aéré, professeur,
éducatrice, magistrat, gardien de prison, policier, gardien d'immeuble, etc.
Souligner la dimension relationnelle de ces professions, la prendre en compte, ce n'est
pas les rabaisser, mais au contraire les tirer vers le haut.
L'entrée dans ces professions devrait comporter deux préalables :
- une sélection basée prioritairement sur les capacités relationnelles
vérifiées en situation
- une formation approfondie à la relation
4
Cet approfondissement de la formation à la relation sera d'autant plus
efficace qu'il fera suite à une formation de base donnée à tous les enfants. Chacun
sera ainsi mieux préparé aux diverses facette de sa vie relationnelle : relation de
couple, relation aux enfants, aux parents, aux amis, aux subordonnés, aux
hiérarchiques…
Cette formation doit être le plus possible expérientielle, c'est-à-dire qu'elle
doit partir de ce que vivent les personnes ici et maintenant, dans le groupe et de ce
qu'elles parviennent à en dire. Dans cette approche, le feed-back (expression des
ressentis, des interrogations et des attentes qui émergent) devient un outil essentiel.
On remarquera que j'ai parlé de formation et non d'un enseignement normatif avec
des cours, des interrogations écrites et des notes.
3- L'éducation commence à la naissance
S'il est clair que la personnalité se constitue avant 6 ans et que l'essentiel de sa
structuration est réalisé avant 3 ans, un système éducatif sérieux se doit de prendre en
compte la petite enfance, comme une sorte de priorité absolue. Il faut décupler le
nombre des crèches avec un encadrement de qualité, ne pas dépasser 6 enfants par
enseignant de la maternelle au collège. Ces ouvertures de crèches et cette réduction
des effectifs doivent être faites en priorité dans les quartiers défavorisés.
L'éducation se fait d'abord par l'exemple : Quand l'adulte frappe un jeune enfant pour
le rendre docile, il lui montre ce qu'on peut faire quand l'autre est plus faible. La
collectivité doit aider les futurs parents à trouver des alternatives non-violentes à la
fessée, à la gifle et aux hurlements. Dès l'école élémentaire, on devrait apprendre
qu'on peut tuer un bébé ou le mutiler simplement en le secouant.
4- Plus on attend pour intervenir, plus
l'intervention est coûteuse et inefficace.
En 2003, une journée d'un seul jeune dans un JET (Jeunes en équipe de travail)
encadré par les militaires coûtait près de 3 000F par jour soit 90 000F par mois, de
quoi rétribuer 5 éducateurs de quartier - 70% de récidive dans les 2 ans. Ces centres
ont été fermés après 17 ans de fonctionnement.
Dans un Centre Educatif Fermé, 27 adultes sont mobilisés pour encadrer 8
jeunes pendant 6 mois renouvelables. Le coût journalier par jeune de la prise en
charge est de l'ordre de 4 000F (5 à 6 fois le prix de journée en détention), soit pour
8 jeunes sur un mois 960 000F. Avec ces 960 000F, on pourrait rétribuer 48
personnes qui participeraient à une prévention précoce dans les quartiers
Investir 1000F dans la prévention de la violence pour un enfant de 2 ans, est bien plus
efficace que 50 000F pour le même enfant pris en compte seulement à 12 ans. La
proposition peut aussi s'appliquer à la société dans son ensemble. Plus on attend, plus
la violence gagne la totalité du corps social.
5
5- Les processus d'identification, essentiels dans la construction
de chaque personnalité, peuvent aussi réparer
L'identification dans la durée, c'est ce mécanisme fondamental par lequel l'autre qui
m'impressionne, devient modèle à imiter (J'ai envie de devenir comme lui...). Un
enfant peut se sentir impressionné dans un éclairage d'admiration, d'amour et/ou de
crainte, de soumission, voire de terreur. Le processus est particulièrement puissant
quand l'enfant est très jeune donc privé de tout esprit critique et de tout point de
comparaison. Il est particulièrement puissant quand l'agresseur est le père, la mère ou
le grand-père : Il y a alors combinaison puissante de la terreur avec l'amour filial et
l'admiration.
En grandissant, l'enfant abîmé va se trouver de nouveaux modèles en fonction de la
personnalité déjà installée mais aussi en fonction des ressources du milieu actuel. Il
peut se réparer s'il trouve pendant un temps assez long, à la maternelle, une
enseignante disponible, chaleureuse, ferme, capable de répondre de manière adéquate
à la demande insistante de rejet formulée par l'enfant…
Plus tard, s'il est incarcéré, quel modèle lui offre-t-on ? Un autre détenu plus endurci ?
Un gardien ?
6- Au collège, c'est le groupe qui devient objet d'identification.
L'arrivée au collège prépare l'entrée dans l'adolescence. Le milieu offre de
nouvelles ressources. A l'entrée en 6ème, l'administration installe dans une salle une
trentaine d'enfants qui vont travailler ensemble pendant plusieurs années. A partir
de ce qu'ils vivent côte-à-côte, des interactions, des épreuves et des émotions
partagées, un groupe va naître qui impose des valeurs, des normes, des
comportements face au travail, face à l'adulte, face aux autres. Chaque jeune attend
de ce groupe, la satisfaction d'une partie de ses besoins psychologiques les plus
importants : chaleur, reconnaissance, sécurité… Plus sa famille est frustrante, plus
le groupe sera important pour lui.
Pour réduire significativement le taux d'échec et de violence à l'école, il faudrait que
l'équipe éducative se mobilise pour que cette collection d'enfants qui arrive en 6ème
soit activement accompagnée dans son processus d'intégration, avec l'objectif
ambitieux d'en faire un groupe amical, sécurisant pour chacun, orienté vers l'entraide
et la réussite de tous, plutôt que vers la compétition, la moquerie et les clans. Pour
entrer dans une telle démarche, la bonne volonté ne suffit pas. Il y faudra une
formation spécifique2.
7- Il faudrait s'interroger sur les finalités de l'éducation
Dans l'enseignement traditionnel, ce qui est mis au premier plan, ce sont des secteurs
de savoir : on "fait" de la géographie, des sciences naturelles, du français… Les
justifications sont parfois très convaincantes, parfois hésitantes. En fonction des
2 Voir ma communication au Congrès de l'Association Française des Psychologues Scolaires (Lille 16 septembre
2005) sur ce site
6
orientations politiques du gouvernement, tel enseignement3 deviendra facultatif puis
redeviendra obligatoire. On modifie le nombre d'heures, on modifie les
programmes… A côté des matières consacrées par un usage ancien et légitimées par
la présence d'enseignants spécifiques, d'autres sont proposées… Des gens se
mobilisent pour une éducation civique, d'autres pour une éducation affective et
sexuelle. On s'avise qu'il est bien regrettable que la population ignore l'économie ou
l'organisation administrative et judiciaire ou le code de la route. Est-on déçu par le
comportement d'un grand nombre de jeunes, on propose alors de rétablir le vieux
cours de morale à l'école primaire, comme s'il suffisait de "faire la morale" pour que
les gens deviennent moraux. Chacun peut avoir sur les connaissances à diffuser, ses
subjectives évidences : moi-même, si vous insistez un peu, je pourrais être tenté de
plaider pour une modeste mais précoce initiation à la logique, à la psychologie
sociale, aux probabilités, aux jeux d'échecs et de go, etc. Mais ce serait tomber à mon
tour dans le vieux piège… Ce n'est pas mon désir qui est important mais le désir de
chaque enfant pour ce qui le concerne.
Au lieu de partir d'un catalogue plus ou moins arbitraire de connaissances à acquérir,
ne vaudrait-il pas mieux que l'on constitue un répertoire des capacités souhaitables
pour l'ensemble de la population et qu'un véritable système éducatif soit constitué en
cohérence avec ces finalités. Par exemple, si je considère que l'autonomie est un
objectif essentiel, je dois m'interroger sur les démarches les plus propices à
l'autonomisation des enfants. Afin de favoriser la réflexion, je propose ici mon propre
choix, très partiel, très partial, donc très discutable4 :
1- Autonomie (à l'écart de la dépendance aussi bien que de la contre-dépendance)
2- Capacité à assumer des responsabilités
3- Capacité à débattre de problèmes éthiques
4- Sens de l'équité et refus de l'injustice (même si on en est le bénéficiaire)
5- Respect des personnes et capacité à accepter l'autre différent
6- Capacité à faire confiance et à se faire confiance
7- Capacité à travailler et à vivre seul
8- Capacité à travailler et à vivre avec d'autres
9- Maturité affective
10- Capacité à vivre en couple de manière stable
11- Capacité à s'aimer et à aimer les autres de manière oblative
3 C'est ce qui s'est passé pour le latin entre 1923 et 1946
4 Je suis bien conscient qu'un groupe représentatif de la diversité des compétences et des courants de pensée
offrirait un répertoire infiniment plus satisfaisant.
7
12- Capacité à assumer des enfants
13- Capacité à faire des choix et à participer à des
décisions collectives
14- Capacité à participer les yeux ouverts à la vie de la Cité
15- Sens de la solidarité et de la coopération
(à l'opposé de l'esprit de corps, de l'esprit de caste ou du corporatisme)
16- Sens des disciplines nécessaires
(ne pas confondre avec soumission qui est asservissement)
17- Tolérance à un certain niveau de frustration
(mais pas forcément résignation)
18- Capacité à gérer son agressivité
(de manière à ce qu'elle ne soit destructrice pour personne y compris pour soi-même)
19- Aisance dans l'emploi de quelques techniques de créativité
20- Capacité critique y compris face à soi-même
(ne pas confondre avec tendance à dévaloriser l'autre ou soi)
21- Capacité à s'exprimer de manière diversifiée
(verbal/non-verbal, écrit/oral, etc...)
22- Capacité à s'exprimer à travers une forme d'art
(écriture, dessin, peinture, sculpture, photo, théâtre, cinéma, musique, danse, etc.)
23- Capacité à exprimer ses ressentis, ses besoins, ses demandes
24- Capacité à exprimer ses désaccords et ses refus
25- Capacité à ressentir et à gérer ses émotions (peine, peur, colère, joie)
26- Capacité à écouter
27- Capacité à décoder des informations dans des registres différents
(parole, cinéma, journal, carte, plan, etc.)
28- Capacité à trouver rapidement l'information
29- Capacité à lire en choisissant sa vitesse de lecture
30- Capacité à juger des choses en diversifiant les points de vue
8
31- Capacité à distinguer des niveaux de vérité1 .
32- Capacité à distinguer des niveaux de réalité.
33- capacité à affronter des situations nouvelles
34- Capacité à évoluer dans un monde qui change
35- Capacité à observer de façon fine sans trop projeter
36- Capacité à prévoir, à planifier
37- Capacité à l'analyse et à la synthèse
38- Capacité à utiliser correctement divers types de raisonnement
39- Goût pour la réflexion, le débat et la recherche
40- Goût pour les exercices physiques diversifiés.
Un véritable système éducatif devrait être constitué en cohérence avec ces
finalités. Par exemple, si je considère que l'autonomie est un objectif essentiel, je
dois m'interroger sur les démarches les plus propices à l'autonomisation des enfants.
Allons plus loin : On ne peut former à la liberté et à la responsabilité hors de toute
liberté. Comment pourrais-je me sentir responsable de ce que je fais, si à tout moment
quelqu'un décide pour moi ? Il faut permettre très tôt à l'enfant de faire des choix dans
le quotidien.
Contraindre des élèves à écouter pendant des heures des cours qui ne les intéressent
pas ou qu'ils ne comprennent pas, c'est une violance qui génère de la destructivité
notamment chez ceux pour qui l'ennui ne sera jamais compensé par l'accès à des
emplois valorisants.
8- Une formation morale est nécessaire.
Mais le discours moralisateur répétitif est futile. Il peut même devenir démoralisation
et perversion quand la conduite de l'adulte est à l'opposé de son discours.
Ce qui est éducatif ou anti-éducatif, ce sont les comportements des adultes et les
structures qu'ils mettent en place avec les enfants...
Ce qui est reçu, intégré, ce n'est pas le discours général du maître, c'est ce qu'il fait,
c'est le mode de relation qu'il instaure avec chacun.
S'il dit "FRATERNITE" et qu'il fasse rire aux dépens des plus faibles, le mot
"FRATERNITE" est associé à dérision et hypocrisie.
1 vérité individuelle/générale/subjective/statistique, etc. Voir les textes sur l'esprit critique sur ce site
9
S'il dit "RESPECT" et s'autorise de cinglantes dévalorisations ou de mauvais
calembours sur les noms des enfants, le mot "RESPECT" renvoie à mépris et
formalisme désuet.
S'il se présente comme garant de la LOI, et qu'il bavarde à haute voix avec un
collègue dans la salle d'examen, sa LOI apparaîtra comme "la raison du plus fort" à
tous ceux dont la réflexion est parasitée ...
9- Le premier objectif de l'école doit être la réussite de tous plutôt
que la sélection des meilleurs
Cet objectif est réaliste s'il est entendu que chaque enfant peut réussir dans
un domaine particulier, s'il est entendu que réussir, ce n'est pas forcément être
meilleur que les autres. C'est par de petites réussites quotidiennes que chaque enfant
va acquérir le goût de l'effort et l'estime de soi qui rendront accessibles des réussites
plus ambitieuses. C'est le devoir de l'école de mettre en place les dispositifs
nécessaires.
Par contre, mettre chaque jour en compétition les héritiers et les plus
défavorisés culturellement, c'est organiser méthodiquement le découragement des
plus faibles et installer en eux le refus scolaire, la culpabilité, le mépris d'euxmêmes,
l'hostilité pour ceux qui réussissent.
10- Qui doit s'occuper de l'éducation ?
Les responsables du système éducatif disent volontiers :
"Le système éducatif n'a pas à s'occuper de l'éducation"
C'est un peu comme si le boulanger disait que fournir du pain n'est pas son affaire
L'éducation – disent-ils - "doit rester l'affaire des parents". Pourquoi pas… Mais
dans ce cas, qu'est-ce qu'on attend pour organiser la formation des parents eux-mêmes
? A qui peut-on confier cette tâche ? A quel âge commencer une telle formation
11- Les besoins psychologiques fondamentaux
doivent être pris en compte pour chaque enfant
(affection, reconnaissance, respect, expression, sécurité, liberté, structures)
Prendre en compte les besoins de l'enfant ne signifie pas combler
totalement, instantanément et à tout prix chacun de ses besoins. Même si c'était
réalisable, ce ne serait pas souhaitable pour autant. "Satisfaire", étymologiquement
c'est faire "assez". Entre ne rien donner et donner jusqu'à satiété, il existe un
gradient de possibilités. Donner avec mesure est d'autant plus important qu'il existe
des besoins plus ou moins antagonistes : Donner trop de liberté très tôt va priver
l'enfant de ce qui doit le structurer. Inversement satisfaire trop lourdement le besoin
de structure c'est freiner l'accès à l'autonomie. Structurer, ce n'est pas simplement
dire ce qui est interdit. C'est aussi fournir aux enfants et aux adolescents de quoi
structurer les temps où ils ne sont ni à l'école ni avec leurs parents (à 5h le soir,
pendant les vacances scolaires…). Beaucoup de parents ne sont pas en mesure de
10
trouver les bonnes solutions. C'est donc à la collectivité de s'en occuper. La société
doit mettre en place le plus tôt possible les aires de jeu, les bâtiments, les
éducateurs. C'est évidemment plus coûteux que d'interdire le stationnement dans les
halls d'immeubles et de supprimer les allocations familiales des parents dépassés.
Les enfants qui ont été frustrés de façon habituelle dans leurs besoins fondamentaux,
courent le risque5 de devenir à leur tour des parents maltraitants, des gens orientés
vers la destruction et/ou l'auto-destruction.
La société se doit d'agir sur trois temps :
pour former les parents et futurs parents
pour apporter à tous les jeunes enfants en situation de carence affective, de quoi
permettre leur humanisation
pour apporter aux enfants maltraités de quoi les réparer au moins partiellement
C'est à partir de toutes ces réflexions et de beaucoup d'autres, que j'ai construit le
projet de maison d'enfance qui constitue la 2ème partie de mon exposé.
5 C'est un risque important et non une conséquence automatique comme je l'ai montré plus haut.
11


II- LA MAISON D'ENFANCE
Un type nouveau d'établissement éducatif
Les "Maisons d'enfance" (ME) accueilleraient de façon très souple des enfants de 0 à
14 ans.
Au lieu d'établissements à répartition horizontale regroupant les enfants de 3 à 6 ans
ou de 6 à 12 ans pour un secteur étendu , ce seraient des établissements à structure
verticale regroupant des enfants de 0 à 14 ans sur des secteurs géographiques très
réduits. On éviterait ainsi les ruptures générales successives qui replongent chaque
fois l'enfant dans l'insécurité : l'entrée à la crèche, à la maternelle, à l'école
élémentaire, au collège... (sans parler des ruptures individuelles encore alourdies d'un
profond sentiment d'échec pour les enfants condamnés à redoubler, c'est-à-dire à
perdre le groupe avec lequel des liens s'étaient tissés pour se retrouver corps étranger
dans un groupe déjà constitué...)
Chaque établissement devrait être suffisamment petit pour éviter la bureaucratisation
et suffisamment grand pour favoriser les diversités d'options et l'installation
d'équipements utiles (piscine notamment) : un maximum de 170 enfants me semble
raisonnable, à condition d'organiser les espaces et le temps de telle sorte qu'ils ne
soient jamais tous ensemble dans le quotidien... 170 enfants, cela représente un
effectif théorique de 12 par classe d'âge, mais il est probable que dans les premières
années, l'effectif serait beaucoup moins important et composé surtout d'enfants très
jeunes.
Les temps de présence dans la maison d'enfance tiendraient compte des besoins de
chaque enfant, des contraintes des familles et des possibilités de l'établissement. Dans
la pratique, il y aurait évidemment de grandes différences entre l'enfant bien intégré
dans sa famille et l'enfant totalement pris en charge parce que ses parents seraient
morts ou privés de leur droit d'hébergement:
- l'enfant bien intégré dans sa famille utiliserait la maison d'enfance dans des
horaires limités, comme crèche ou comme lieu de formation.
Avec tout de même plus de souplesse dans les horaires et la possibilité de choisir la
durée et les dates des congés hebdomadaires et des vacances : si les parents travaillent
le dimanche et sont libres le lundi, il est sans doute préférable que l'enfant soit chez
lui plutôt le lundi que le dimanche. Si les parents ne peuvent avoir leurs congés
annuels qu'en septembre, s'ils partent travailler à 7h ou s'ils rentrent à 20h ou à 22h,
l'accueil de l'enfant pourrait tenir compte de ces particularités puisque la formation de
chaque enfant devient un parcours individuel (pour la même raison, le système du
redoublement perdrait ici toute signification)...
Quand il y a soupçon de maltraitance mais pas assez spectaculairement pour relever
d'une intervention judiciaire plus ou moins infamante, la prise en charge modulée,
négociée directement entre l'équipe de P.M.I. et la famille pourrait ne pas exclure le
parent maltraitant s'il accepte le dialogue autour d'une aide protectrice.
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On passerait ainsi d'une logique de la répression à une logique de la protection, de la
prévention et de l'accompagnement
Au lieu d'un discours implicite de l'Institution
"Nous attendrons que vous ayez spectaculairement abîmé votre enfant puis nous le
confierons à la DASS s'il a survécu et nous vous mettrons en prison".
Les gens de la PMI pourront dire :
"Nous avons le sentiment que votre bébé souffre et qu'il a besoin pour le moment de
soins particuliers ; nous vous proposons de nous le laisser quelque temps; vous
pouvez venir le voir quand vous voulez.")
Pour tenir compte de la diversité des besoins, la Maison d'enfance devrait être à la
disposition de la population 365 jours par an et 24h sur 24.
Cela suppose un personnel suffisant pour assurer la permanence du service et pour
fonctionner dans une perspective d'épanouissement des adultes aussi bien que des
enfants. Le personnel permanent recevrait dans la journée le renfort de vacataires, de
stagiaires et de bénévoles.
Les familles du secteur - sauf décision judiciaire individuelle - conserveraient le droit
d'envoyer leurs enfants dans des écoles traditionnelles.
Les fonctions de la maison d'enfance
La M.E. assurerait les fonctions qui sont actuellement prises en charge par la P.M.I.,
la crèche et la halte-garderie, l'école maternelle et l'école élémentaire, le 1er cycle du
collège secondaire, le Centre aéré, le Centre Médico-Psycho-Pédagogique, le foyer de
la D.A.S. et les rarissimes écoles de parents et maisons vertes façon Dolto.
La M.E. serait aussi un refuge provisoire pour l'enfant ou l'adolescent du secteur
qu'une mauvaise relation avec ses parents a poussé vers la fugue (avec une sorte de
droit d'asile contrôlé par le Conseil de maison et le juge pour enfants). Actuellement
l'enfant fugueur n'a guère d'abri possible et se retrouve bien souvent en situation de
haut risque dans la mesure où, pour survivre, il a le choix entre le vol, la mendicité et
la prostitution... Là encore une élaboration avec les parents et l'enfant serait utile et
supposerait un personnel qualifié suffisant ...
Est-il nécessaire de le préciser, la M.E. aurait surtout l'ambition d'assurer des
fonctions d'éducation qui sont actuellement ignorées par certaines des institutions
citées plus haut. C'est d'ailleurs parce qu'elle aurait cette ambition qu'elle ne pourrait
se désintéresser de ces moments (pour certains ce sont des journées entières, voire des
semaines et des mois entiers) où l'école traditionnelle est fermée sans qu'un parent
soit disponible pour prendre en charge l'enfant (horaires de travail surtout mais aussi
parfois alcoolisme, maladies, hospitalisations et difficultés psychologiques diverses).
L'accueil des très jeunes enfants
Dans des conditions qui seraient à déterminer par le Conseil de Maison, les parents
du secteur auraient la possibilité d'amener leurs bébés pour une heure, pour une nuit,
aussi bien que pour des temps beaucoup plus longs ...
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L'équipe de P.M.I. utiliserait les moments de contrôle pour mettre en place un
dialogue avec la mère et négocier si nécessaire des temps de séjour de l'enfant dans la
ME. C'est dans ce dialogue que pourrait intervenir une première élaboration pour les
parents en difficulté ... D'autres activités pourraient être proposées aux parents :
"bébés nageurs", initiation au massage des tout-petits, sessions vidéo (les interactions
sont filmées puis visionnées et commentées par les intéressés), initiation à la
puériculture, groupes de parole dans lesquels parents et futurs parents pourraient
échanger sur leurs difficultés dans le quotidien, etc.
Toutes ces activités favoriseraient la création d'un tissu relationnel dans le quartier et
contribueraient ainsi à l'émergence d'une cité là où il n'y a parfois que des centaines
de solitudes apeurées.
Les activités de formation
dans la Maison d'enfance
Elles se font au moyen de 2 sortes de structure : Les ateliers et les groupes de base.
A- Les ateliers obligatoires
découverte de la lecture et perfectionnement
lecture de cartes et de plans,
découverte de l'écriture et du traitement de texte
calcul, connaissance du système métrique et du tableur
code de la route...
Chaque enfant doit les traverser mais il choisit l'âge de ces indispensables initiations
et il choisit son formateur qui peut à certains moments être un autre enfant. L'une des
fonctions des ateliers à choix libre dont je parle plus loin, est d'éveiller l'appétit pour
ces indispensables initiations.
Instaurer comme principe fondamental la liberté, n'interdit pas de maintenir des
exigences. La vie collective pour être harmonieuse, implique le respect de certaines
règles. Dans le domaine de l'accès au savoir, il est souhaitable de fixer aussi quelques
exigences. Par exemple l'enfant apprendrait à lire quand il veut, avec qui il veut, mais,
à 9 ans, il devrait savoir lire couramment, en comprenant ce qu'il lit.
Il choisirait le moment où il apprend les raisonnements mathématiques et le calcul
mental mais à 9 ans, il devrait être capable de manier la règle de 3 dans un calcul de
prix... Il pourrait faire du théâtre au niveau 1 sans savoir lire mais ne seraient admis
au niveau 2 que ceux qui lisent couramment. Pour prendre tel poste de responsabilité
dans un atelier il faudrait savoir lire et écrire. Pour participer au niveau 2 du atelier
d'électronique, il faudrait avoir atteint le niveau 5 en mathématiques et le niveau 4 en
physique. Bien entendu ces exemples sont tout à fait arbitraires puisqu'ils renvoient à
des règles de fonctionnement qui devraient être discutées avec les enfants, mûries,
expérimentées et votées par la communauté éducative concernée.
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Durant les deux dernières années (12 à 14 ans), les enfants seraient encouragés à se
mobiliser pour une mise à niveau qui leur permette de suivre soit en 4ème soit en
3ème dans un collège traditionnel. Et rien ne s'opposerait à ce que des enfants
(individuellement) choisissent de suivre les programmes officiels tout au long de leur
passage en M.E., avec le soutien d'enseignants.
C- Les ateliers à choix libre
Plus ou moins nombreux, des ateliers à structure légère naîtraient et disparaîtraient en
fonction des besoins exprimés des enfants et des possibilités locales.
Les engagements des plus jeunes se feraient pour des temps très courts ; des
"activités" de remplacement seraient prévues : siestes, flâneries, visites aux cuisines,
cages à écureuil, balançoires, etc.
Il est important que l'enfant ait chaque jour des choix à faire, mais il n'est pas
indispensable que l'éventail des possibles soit très ouvert. Par exemple, le choix des
3-4 ans à un moment donné peut se réduire à 4 entrées, par exemple :
1- découverte des lettres
2- expression corporelle et improvisation musicale sur xylophone
3- construction de châteaux (sable, cubes, etc.)
4- décoration de la salle à manger des bébés
Par contre, il est souhaitable que sur l'ensemble de l'année, une très grande diversité
de propositions permette à chaque enfant de découvrir les terrains qui seront pour lui
des occasions de se réaliser et de vivre la réussite.
Activités particulièrement encouragées pour les plus jeunes : celles qui peuvent
développer l'aisance corporelle, l'habileté manuelle, la finesse des perceptions, le
goût, la voix, le rythme et bien entendu la socialisation...
Sur la globalité de son parcours dans la ME, chaque enfant doit avoir l'occasion de
vivre des expériences d'expression individuelle et des expériences de création
collective correspondant à ses goûts (chant choral, réalisation orchestrale, expression
corporelle, ballet, fresque collective, mise en scène d'un spectacle théâtral, etc.)
Quelques ateliers possibles parmi d'autres
nursing, petit élevage, pâtisserie, cuisine, tapisserie, modèles réduits, lecture,
documentation, photographie, mécanique, menuiserie, électronique, secourisme,
fabrication d'instruments de musique, de marionnettes, de décors... histoire, échecs,
go et go bang, créativité, découverte de la nature, découverte des arts plastiques,
analyse transactionnelle, etc.
Richesse pédagogique du fonctionnement par ateliers
Une telle énumération peut surprendre ceux qui n'ont jamais connu autre chose à
l'école que les disciplines consacrées. Faut-il rappeler que le caractère formateur
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d'une activité ne réside pas dans son contenu explicite mais dans la démarche mise en
oeuvre par l'enseignant et dans la qualité d'implication de l'apprenant.
L'activité de nursing est particulièrement précieuse puisqu'elle donne à des enfants
l'occasion d'apprendre de manière concrète le métier de parent en s'occupant de petits
en association avec les éducateurs et les éducatrices de la M.E. On peut imaginer
plusieurs degrés dont le premier se limiterait à l'observation et au dialogue ...
Dans l'atelier pâtisserie, l'enfant découvre de façon très concrète qu'il est avantageux
de savoir lire (une recette), de connaître le système métrique et la mesure du temps ; il
apprend à se servir d'objets de la vie quotidienne mais il apprend aussi à organiser, à
coopérer, il apprend la patience, etc.
A l'élève non motivé, un cours de géographie correct n'apporte rien sinon l'ennui et un
rejet accru de la matière. Par contre, pour l'enfant qui a fait le choix d'un atelier de
Master mind, par exemple, les apprentissages peuvent être multiples :
Il apprend à formuler une hypothèse, à la vérifier, à en tirer des conclusions, à
distinguer entre ce qui est vrai et ce qui est plausible, à abandonner une hypothèse qui
dans un premier temps semblait confirmée, etc.
En gardant la structure du Master mind, il peut se familiariser avec les couleurs, mais
aussi avec des chiffres, des formes géométriques, des mots, des notes de musique, etc.
Il peut découvrir les concepts de structure, de rétroaction et de feed-back.
Il apprend à respecter des règles du jeu et, ce faisant, il se prépare, en un certain sens,
à devenir un citoyen.
Comme chaque fois qu'il choisit son activité, il prend un peu plus l'habitude d'être
sujet de sa propre formation au lieu de rester un objet façonné par l'autre.
Ce qui me semble essentiel, c'est la liberté laissée à l'enfant de choisir sa propre
direction. C'est la réhabilitation de la flânerie intellectuelle et l'absence de
limitations face à la soif de découverte de l'enfant. S'il se passionne pour la biologie
ou la mythologie, aucune autorité n'interviendra pour couper son élan au bout d'une
heure, pour l'obliger à entrer dans une autre matière qui, au moins momentanément ne
l'intéresse pas. C'est par contre le rôle de l'adulte, que d'entrouvrir, au moment
opportun, de nouvelles portes.
L'enfant n'est pas obligé de travailler mais s'il veut aller très loin dans une direction,
on crée les conditions pour qu'il puisse le faire. Dans une telle optique, certains
enfants feront à 8 ans de la sociologie ou des équations du second degré, d'autres se
passionneront pour l'histoire de la Chine ancienne, d'autres seront déjà des cuisiniers
ou des mécaniciens habiles, etc.
En diversifiant à l'extrême les voies d'excellence, on permettra enfin aux "surdoués"
gaspillés par l'école traditionnelle, comme à ceux qui y vivent durement l'échec, de
trouver leur propre chemin, leur propre terrain de réussite... Au sein du groupe de
base, les échanges entre les enfants et les identifications à un facilitateur qui s'investit
lui-même dans plusieurs ateliers, permettront de réduire le risque d'une spécialisation
prématurée trop exclusive.
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Principes de fonctionnement des ateliers
1- L'animation des ateliers serait assurée par des éducateurs permanents, par des
intervenants ponctuels, par divers bénévoles (enfants ayant acquis la compétence
nécessaire, jeunes retraités, parents, étudiants qui se destinent à l'enseignement ou à
des activités éducatives, adultes qui ont envie de partager leur "violon d'INGRES")
sous la réserve qu'ils viendraient dans la Maison d'enfance pour participer à
l'éducation et à l'épanouissement des enfants ; qu'ils seraient au service des enfants et
non l'inverse. Concrètement cela signifie que si personne n'avait envie de venir au
atelier proposé par X, bénévole ou non, on ne maintiendrait pas le atelier ou on
chercherait un autre animateur.
3- Toute activité choisie par un groupe devrait être conduite de manière à ouvrir sur
des possibilités d'approfondissement et/ou d'élargissement, de manière à stimuler la
curiosité sans la saturer.
4- Les engagements de l'enfant seraient d'abord courts et légers, le plus souvent
allégés par une structure de jeu, puis s'il souhaite continuer dans cette direction, on lui
proposerait des engagements de plus en plus importants, en tenant compte de ses
possibilités réelles.
5- La coopération et notamment l'enseignement mutuel seraient encouragés.
6- L'adulte qui prendrait en charge une nouvelle activité ne serait pas nécessairement
un spécialiste de cette activité.
7- Il n'y aurait ni notes ni classements mais une valorisation de l'enfant par sa réussite
dans les voies qu'il choisirait. Les compétences acquises seraient reconnues sur le
principe des unités capitalisables et permettraient d'entrer dans de nouveaux cycles de
formation6.
D- Le groupe de base : un lieu d'écoute de la parole de l'enfant
Les enfants se retrouveraient chaque jour pour une heure ou deux, dans des petits
groupes stables d'une dizaine. Chaque groupe serait accompagné sur plusieurs années
par deux facilitateurs qui partiraient en congé à tour de rôle de façon à assurer une
continuité sur l'année complète. Ces facilitateurs présenteraient les ateliers nouveaux
et proposeraient parfois un sujet pour l'échange du jour.
Parmi les thèmes offerts le plus fréquemment à la réflexion et à l'échange : les règles
de vie dans la maison d'enfance et l'avenir sous ses diverses facettes, notamment la
facette professionnelle.
Mais l'activité la plus importante de ces groupes de base serait le partage du vécu de
chacun. Les enfants seraient encouragés à parler de ce qu'ils vivent dans l'institution
et au dehors, de leurs joies, de leurs chagrins, de leurs peurs, de leurs découvertes, de
leurs lectures, de leurs activités au sein des ateliers, de leurs projets pour le long et le
court terme. Créer les conditions d'une parole libre pour chacun et d'une écoute de
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qualité serait évidemment la tâche la plus délicate des facilitateurs. Ils veilleraient à
ce que chaque enfant puisse dire ce qui lui tient à coeur. Ils éviteraient les conseils,
les interprétations, les jugements de valeur et notamment toute critique sur les
inévitables maladresses du discours enfantin (le groupe de base n'a pas pour objectif
d'apprendre aux enfants à "bien parler"). Ils utiliseraient sobrement la reformulation
empathique, c'est-à-dire la reformulation sur le vécu exprimé par l'enfant
(sentiments, émotions, sensations, attentes).
Le groupe de base devrait fournir l'environnement stable susceptible de répondre au
moins partiellement aux besoins de reconnaissance, de sécurité, d'intégration, de
chaleur pour chacun des enfants. S'il y parvient effectivement, d'autres besoins vont
mobiliser les énergies : besoins de découvrir, de comprendre, d'apprendre, d'agir, de
créer, de se dépasser... Des besoins qui fourniront l'énergie pour les ateliers…
LA FORMATION DU PERSONNEL TRAVAILLANT
EN M.E.
La condition principale de réussite d'une M.E. est la participation de facilitateurs
motivés et formés. La formation approfondie devrait viser en priorité au
développement de la capacité d'écoute centrée sur la personne7. Sous cette formule
générale, Carl ROGERS8 regroupe certaines caractéristiques :
l'accueil positif inconditionnel de l'enfant
A l'écart de l'approbation comme de la réprobation, l'accueil positif inconditionnel de
l'enfant va permettre de déjouer le piège traditionnel du rejet induit
Puisqu'on m'a toujours rejeté, je m'attends à ce que toi aussi tu me rejettes et je fais ce qu'il
faut pour que tu te conformes à mon attente désespérée.
L'empathie :
C'est la capacité à comprendre l'autre sans jugement de valeur, sans interprétation et
sans entraînement affectif ; c'est la capacité à saisir ce que l'autre ressent, à entrer
dans son cadre de référence, à s'immerger dans son univers subjectif tout en restant
soi-même et en gardant sa lucidité. On est au plus près de ce que l'autre ressent mais
sans s'identifier à l'autre. Cette capacité s'actualise à l'occasion des reformulations
empathiques dans lesquelles l'écoutant indique sobrement ce qu'il a perçu des
émotions, des significations, des intentions, des sentiments exprimés verbalement ou
non par la personne. Evitant tout ce qui serait suggestion d'une direction particulière,
l'écoutant accompagne la personne sur son chemin à elle.
7 On emploie aussi l'expression "écoute active"
8 Cf. Carl Rogers "Le développement de la personne" et en collaboration avec
KINGET : "Psychothérapie et relations humaines"
18
La non-défensivité :
C'est la capacité à accueillir le reproche sans céder à la tentation de justifier ou de
contre-attaquer. Cela suppose que la personne ne s'attend pas en permanence à être
accusée ...
L'authenticité
L'authenticité comporte pleine conscience de tout ce qui se passe en soi (émotions,
sentiments, ambivalences...) et capacité à l'exprimer. Impliquant lucidité sur soimême
autant que sincérité, elle est une longue et difficile conquête sans cesse remise
en cause.
La congruence
Dans l'écoute centrée sur la personne, le professionnel évite de confisquer la parole et
ne partage de sa vérité que ce qui est vraiment nécessaire. En somme, la congruence
est le garde-fou professionnel de l'authenticité.
La formation doit aussi installer une sécurité intérieure suffisante pour accepter de ne
pas toujours savoir ce qui va se passer dans l'heure qui suit. Elle doit développer la
créativité (connaître quelques techniques de créativité serait souhaitable) et la
capacité à percevoir, dans l'activité choisie par l'enfant, ce qui permettra d'en faire une
expérience éducative et valorisante.
On le sent bien, de telles qualités ne peuvent s'acquérir par un enseignement
universitaire traditionnel. Il faudra donc mettre en place un cursus dans lequel la
formation expérientielle9 formera l'axe privilégié permettant une certaine
connaissance de soi en tant qu'être de relation. Bien que dans un premier temps on ne
puisse être très exigeant, il me semble préférable que l'on réserve les emplois en M.E.
à des personnes que leur histoire n'a pas trop abîmées. La sélection pourrait se faire
au cours de la première année de formation dans les I.U.F.M., au sein de stages
optionnels en petits groupes de 10 à 16 personnes. Le thème explicite de la formation
serait bien entendu en rapport avec les compétences utiles, par exemple : écouter
l'autre vraiment ou violence, agressivité, inhibition. Dans ces stages comme dans les
autres, avant les exercices susceptibles de développer une capacité d'écoute véritable,
des mises en situation permettraient à chaque étudiant de découvrir ses patterns
d'écoutant : Comment mes angoisses m'empêchent d'entendre vraiment, sur quels
thèmes suis-je le plus facilement dans mes projections, etc.
Mais il restera à trouver dans les I.U.F.M. des formateurs qui aient une réelle
compétence relationnelle plutôt qu'une capacité à transmettre des savoirs de haut
niveau.
9 Pour avoir des précisions sur cette formation expérientielle, voir mon texte sur les
professions relationnelles
19
Outre la compétence générale que peut créer une formation expérientielle approfondie
intégrant une certaine connaissance de soi en tant qu'être de relation, il serait utile que
ces éducateurs aient des savoirs et des savoir-faire diversifiés plutôt qu'un savoir très
pointu dans un domaine très étroit.
**********************************************************
De nombreux points ne sont pas traités ou seulement de manière très superficielle. Un
tel projet ne peut être qu'inachevé tant qu'il n'est pas le projet d'une équipe disposée à
réaliser très concrètement avec l'appui d'une collectivité locale.
BIBLIOGRAPHIE
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